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Le droit français des successions repose sur un principe ancien : nul ne peut disposer de sa succession avant son décès. Cette règle garantit à chacun de garder la maîtrise de son patrimoine jusqu’à la fin de sa vie et protège les héritiers contre des conventions qui viendraient figer prématurément leurs droits. Toutefois, depuis la loi du 23 juin 2006, le législateur a introduit des exceptions qui permettent, dans des cas bien précis, de conclure certains pactes sur succession future 📜. Ces mécanismes, tout en restant exceptionnels, offrent aux familles la possibilité d’anticiper et de sécuriser la transmission de leur patrimoine.

le cadre légal des pactes sur succession future : l’article 722 du code civil 📝

Le texte central est l’article 722 du Code civil :

« Les conventions qui ont pour objet de créer des droits ou de renoncer à des droits sur tout ou partie d’une succession non encore ouverte ou d’un bien en dépendant ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi. »

Ce texte établit clairement le cadre : une convention sur succession future est en principe sans effet, sauf dans les cas expressément autorisés par la loi. On est donc dans un système fermé : ce qui n’est pas autorisé est inefficace. Cette rigueur vise à éviter des pressions sur le futur défunt, à préserver sa liberté de disposer et à garantir le respect de la réserve héréditaire.

En pratique, distinguer ce qui est autorisé de ce qui ne l’est pas n’est pas toujours simple. Les familles doivent être conseillées par un cabinet d’avocats spécialisé en successions, qui saura identifier les mécanismes permis et écarter les conventions dépourvues de tout effet ⚖️.

la donation-partage comme socle (art. 1075 c. civ.) 👨‍👩‍👧‍👦

Le premier outil reconnu par le Code civil est la donation-partage, prévue à l’article 1075 :

« Toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses droits. »

Cette faculté permet à une personne de répartir de son vivant ses biens entre ses héritiers présomptifs. L’acte, notarié, a pour effet de figer la répartition et d’éviter des litiges au moment de l’ouverture de la succession. Ce mécanisme classique est un pilier de la planification successorale. Il offre une sécurité appréciable, car le partage étant anticipé, il limite les contestations futures.

la donation-partage transgénérationnelle (art. 1075-1 c. civ.) 💡

La réforme de 2006 a introduit une innovation majeure : la donation-partage transgénérationnelle. L’article 1075-1 du Code civil dispose :

« Toute personne peut également faire la distribution et le partage de ses biens et de ses droits entre des descendants de degrés différents, qu’ils soient ou non ses héritiers présomptifs. »

Cette disposition autorise un grand-parent, par exemple, à transmettre directement à ses petits-enfants. Les enfants peuvent ainsi renoncer à leur part au profit de leurs propres descendants. Cela permet d’éviter une double transmission (parent → enfant → petit-enfant) et d’optimiser fiscalement le transfert.

👉 Exemple concret : un grand-parent transmet un appartement directement à ses petits-enfants, avec l’accord de ses enfants. Cela évite que l’appartement soit taxé une première fois à la succession des enfants, puis une seconde fois au profit des petits-enfants.

Cet outil, particulièrement utile dans les familles nombreuses ou recomposées, suppose un équilibre délicat entre réserve et quotité disponible. Un avocat en droit des successions est alors précieux pour vérifier la légalité et prévenir tout futur recours.

la renonciation anticipée à l’action en réduction (art. 929 à 930-5 c. civ.) 🛡️

L’autre grand type de pacte successoral admis par la loi est la renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR). Elle permet à un héritier réservataire de renoncer à l’avance à exercer l’action qui lui permettrait de faire respecter sa réserve en cas d’atteinte.

Voici les articles applicables, en vigueur :

Article 929 :

« Tout héritier réservataire présomptif peut renoncer à exercer une action en réduction dans une succession non encore ouverte. Cette renonciation doit être faite au profit d’une ou de plusieurs personnes déterminées. La renonciation n’engage le renonçant que du jour où elle a été acceptée par celui dont il a vocation à hériter. »

Article 930 :

« La renonciation est établie par acte authentique spécifique reçu par deux notaires. Elle est signée séparément par chaque renonçant en présence des seuls notaires. Elle mentionne précisément ses conséquences juridiques futures pour chaque renonçant. La renonciation est nulle lorsqu’elle n’a pas été établie dans les conditions fixées au précédent alinéa, ou lorsque le consentement du renonçant a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence. »

Article 930-1 :

« La capacité requise du renonçant est celle exigée pour consentir une donation entre vifs. Toutefois, le mineur émancipé ne peut renoncer par anticipation à l’action en réduction. La renonciation, quelles que soient ses modalités, ne constitue pas une libéralité. »

Article 930-2 :

« La renonciation ne produit aucun effet s’il n’a pas été porté atteinte à la réserve héréditaire du renonçant. Si l’atteinte à la réserve héréditaire n’a été exercée que partiellement, la renonciation ne produit d’effets qu’à hauteur de l’atteinte à la réserve du renonçant résultant de la libéralité consentie. Si l’atteinte à la réserve porte sur une fraction supérieure à celle prévue dans la renonciation, l’excédent est sujet à réduction. »

Article 930-3 :

« Le renonçant ne peut demander la révocation de sa renonciation que si :
1° Celui dont il a vocation à hériter ne remplit pas ses obligations alimentaires envers lui ;
2° Au jour de l’ouverture de la succession, il est dans un état de besoin qui disparaîtrait s’il n’avait pas renoncé à ses droits réservataires ;
3° Le bénéficiaire de la renonciation a eu à son égard un comportement gravement répréhensible. »

Article 930-4 :

« La demande en révocation est formée dans l’année, à compter du jour de l’ouverture de la succession, si elle est fondée sur l’état de besoin. Elle est formée dans l’année, à compter du jour du fait imputé par le renonçant ou du jour où le fait a pu être connu par ses héritiers, si elle est fondée sur le manquement aux obligations alimentaires ou sur l’un des faits visés au 3° de l’article 930-3. »

Article 930-5 :

« La renonciation est opposable aux représentants du renonçant. »

👉 Exemple pratique : un parent veut avantager un enfant handicapé. Les autres enfants, par une RAAR, s’engagent à ne pas remettre en cause cette libéralité lors du décès. Cela sécurise la volonté du parent et assure la stabilité patrimoniale.

Le formalisme très strict de la RAAR exige une parfaite maîtrise juridique. Le rôle d’un avocat en successions est déterminant pour informer, sécuriser et vérifier que la renonciation ne soit pas ultérieurement contestée.

les pactes sans effet 🚫

En dehors des hypothèses prévues (donation-partage, donation-partage transgénérationnelle, RAAR), toute convention portant sur une succession non ouverte est privée d’effet. Par exemple, une promesse de répartition des biens après décès, conclue entre héritiers, ne vaut rien juridiquement.

Cette inefficacité protège la liberté du disposant et prévient les conflits familiaux précoces. Là encore, le conseil d’un avocat permet d’écarter des projets patrimoniaux voués à l’échec.

bonnes pratiques pour sécuriser un pacte successoral (et suivants) ✅

  • Clarifier l’objectif : égalisation entre enfants, protection d’un bénéficiaire, gestion d’un actif (entreprise, immeuble familial), transmission intergénérationnelle… Un objectif clair guide le choix entre donation-partage (y compris transgénérationnelle) et RAAR.

  • Cartographier la réserve et la quotité disponible : simuler l’actif net au jour du décès, estimer l’impact des donations antérieures et des régimes matrimoniaux. Cela évite de « sur-allotir » et de déclencher des réductions.

  • Soigner la preuve : au-delà de l’acte notarié, conserver des éléments attestant l’information donnée aux parties (mémos explicatifs, projets, échanges), utile si un vice de consentement est allégué.

  • Anticiper l’articulation : pacte successoral + assurance-vie + clauses de remploi + démembrements → la cohérence d’ensemble doit être vérifiée pour éviter des effets non désirés (fiscaux, civils).

Ces étapes — et leur traçabilité — sont typiquement sécurisées lorsqu’un cabinet d’avocats spécialisé pilote la stratégie, travaille avec le notaire et documente le consentement éclairé de chacun 📁

cas d’usage fréquents (exemples concrets) 🧩

Une donation-partage transgénérationnelle permettra, par exemple, à des grands-parents de transmettre directement un appartement à des petits-enfants étudiants, tout en compensant l’un des enfants par un autre actif. On stabilise la répartition, on répond aux besoins immédiats et l’on réduit la charge future des successions en cascade. Grâce à l’article 1075-1, cette ouverture vers des descendants de degrés différents est légale et efficace, pourvu que l’équilibre global (réserve/quotité disponible) soit respecté. Un avocat veille à l’équité des lots, aux écritures d’équivalence et aux risques de réduction.

La renonciation anticipée à l’action en réduction est souvent choisie lorsque l’on souhaite avantager un enfant porteur d’un handicap, un conjoint, ou encore un tiers (par exemple, un enfant du conjoint dans une famille recomposée). Elle sécurise la libéralité : l’héritier renonçant n’attaquera pas la libéralité au décès, à condition que l’acte respecte strictement les articles 929 à 930-5. L’avocat vérifie la capacité, l’information, la rédaction des mentions et calibre la renonciation pour qu’elle couvre la réalité des atteintes possibles à la réserve, sans aller au-delà.

pièges à éviter et contentieux typiques 🚨

Premier piège : confondre « autorisé » et « valide ». Une situation autorisée (par ex. RAAR ou 1075-1) peut être annulée si la forme n’est pas respectée (pour la RAAR : deux notaires, signature séparée, mentions précises, consentement libre ; cf. art. 930). D’où l’intérêt d’un double contrôle : notarial et avocat.

Deuxième écueil : sous-estimer l’effet conditionnel de la RAAR (art. 930-2) : si au décès, aucune atteinte n’est portée à la réserve du renonçant, la renonciation ne produit aucun effet. Il faut donc modéliser les scénarios patrimoniaux (évolution de l’actif/passif, antériorité des donations) pour calibrer la renonciation.

Troisième point : la révocabilité est limitée (art. 930-3 et 930-4) aux hypothèses légales (défaut d’aliments, état de besoin, faits visés), avec des délais courts (un an). L’avocat documente ces aspects dans un dossier dès l’origine pour prévenir d’éventuels contentieux.

un outil à manier avec précaution 🧐

En définitive, le droit français autorise quelques pactes successoraux — et uniquement ceux prévus par la loi. Pour organiser au mieux une transmission (égalité, protection, entreprise familiale), il est possible de donner-partager (y compris transgénérationnellement) ou de sécuriser une libéralité via une renonciation anticipée à l’action en réduction. La clé d’un projet serein ? Un diagnostic juridique rigoureux, une mise en forme irréprochable et un pilotage pluridisciplinaire (avocat + notaire) qui garantissent la validité, l’efficacité et l’acceptabilité familiale du montage 🤝

Omega Avocats Succession

Omega Avocats, Cabinet d'avocats spécialisé en succession à Paris, Lyon, Nice & Rennes