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Famille recomposée et succession : un équilibre délicat entre lien biologique, conjugal et juridique

Les familles recomposées sont aujourd’hui une réalité largement répandue. Mais lorsque survient un décès, les règles successorales peuvent sembler en décalage avec les liens affectifs qui s’étaient installés. Les enfants de plusieurs unions, les beaux-enfants, les conjoints remariés ou pacsés : autant de profils que le Code civil ne traite pas toujours avec la souplesse qu’impose la vie réelle.

📌 Contrairement à ce que beaucoup croient, les beaux-enfants n’ont aucun droit légal dans la succession de leur beau-parent, sauf en cas d’adoption ou de disposition testamentaire explicite.

📜 Succession légale : un cadre rigide pour une réalité complexe

En l’absence de testament ou d’organisation patrimoniale anticipée, la succession est régie par les règles du Code civil. L’article 734 du Code civil pose les bases :

« En l’absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu’il suit :
1° Les enfants et leurs descendants ;
2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ;
3° Les ascendants autres que les père et mère ;
4° Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers. »

Lorsqu’un conjoint est présent, l’article 757 du Code civil s’applique :

« Si le défunt laisse des enfants ou des descendants, le conjoint survivant recueille, au choix, soit l’usufruit de la totalité des biens existants, soit le quart en pleine propriété. »

Ces dispositions s’appliquent à tous les enfants du défunt, qu’ils soient issus de la même union ou de relations différentes. Chaque enfant hérite à part égale, sans distinction.

⚠️ Les enfants du conjoint survivant, non adoptés par le défunt, ne sont pas ses héritiers légaux. S’ils n’ont pas été adoptés (simple ou plénière), ils n’hériteront de rien, même s’ils ont vécu depuis leur enfance avec le défunt.

🏠 La réserve héréditaire et la quotité disponible

La succession française repose sur un principe fondamental : la réserve héréditaire. Elle protège certains héritiers, notamment les enfants, contre une volonté du défunt qui serait trop déséquilibrée.

Selon l’article 912 du Code civil :

« La réserve héréditaire est cette partie de la succession dont la loi assure la dévolution libre à certains héritiers, appelés héritiers réservataires. La quotité disponible est la portion dont le défunt peut disposer librement en faveur de personnes de son choix. »

La répartition est la suivante :

  • En présence d’un seul enfant : la réserve est de la moitié du patrimoine.
  • Avec deux enfants : les deux tiers.
  • Trois enfants ou plus : les trois quarts.

Il ne reste donc qu’une part limitée – la quotité disponible – que le défunt peut attribuer librement, par testament, au conjoint, à un enfant spécifique ou à un tiers.

✍️ Testament, donation entre époux et assurance-vie : des outils à manier avec rigueur

Dans une famille recomposée, plusieurs outils permettent d’organiser la transmission de manière plus conforme à la réalité affective.

1. Le testament

Il permet de transmettre tout ou partie de la quotité disponible à un conjoint, à un enfant en particulier, ou à un tiers (par exemple, un beau-fils non adopté).

⚖️ Toutefois, si le testament porte atteinte à la réserve héréditaire, les enfants réservataires peuvent intenter une action en réduction, prévue par l’article 920 du Code civil :

« Les libéralités, soit par acte entre vifs, soit par testament, ne peuvent excéder la quotité disponible.
Si elles excèdent cette portion, elles sont réductibles à la quotité disponible, quand le descendant réservataire n’a pas expressément renoncé à l’action en réduction. »

2. La donation entre époux

Aussi appelée donation au dernier vivant, elle permet d’augmenter la part du conjoint survivant dans la succession, notamment en lui accordant l’usufruit de la totalité ou une quote-part supplémentaire en pleine propriété.

Elle est particulièrement utile lorsque le conjoint survivant n’est pas le parent des enfants du défunt et qu’on souhaite garantir son maintien dans le logement familial.

3. L’assurance-vie

Ce contrat reste en dehors de la succession tant que les primes versées ne sont pas manifestement exagérées (article L132-13 du Code des assurances).

C’est un excellent moyen de transmettre un capital hors du cadre des règles civiles, mais attention :

  • Elle ne doit pas être utilisée pour contourner la réserve.
  • En cas d’abus, les héritiers peuvent demander sa réintégration dans la succession.

🧾 Exemple concret

Une femme mariée a deux enfants d’un premier mariage. Elle décède sans testament. Son conjoint actuel n’est pas le père des enfants.

✔️ Il peut choisir :

  • L’usufruit sur l’ensemble
  • Ou 1/4 en pleine propriété

❌ Les deux enfants du premier mariage héritent du reste à parts égales.

👉 Si la défunte souhaitait que son mari conserve la maison familiale, seule une donation au dernier vivant ou un legs par testament aurait permis de sécuriser sa situation.

🔍 Famille recomposée : les litiges fréquents

Les successions dans les familles recomposées donnent souvent lieu à des tensions, notamment autour :

  • Du logement familial : les enfants veulent vendre, le conjoint veut rester
  • Des donations : certains enfants ont été avantagés par rapport à d’autres
  • Des clauses testamentaires : jugées ambiguës, injustes ou abusives
  • Des contrats d’assurance-vie : soupçonnés de contourner la réserve

⚖️ Dans ce contexte, les contentieux portent souvent sur :

  • L’interprétation d’un testament
  • La réduction de donations excessives
  • La validité d’un legs au conjoint
  • L’abus de faiblesse au profit d’un héritier ou d’un tiers

👨‍⚖️ Le rôle de l’avocat spécialisé en succession recomposée

Dans ce contexte, l’avocat spécialisé joue un rôle stratégique pour :

  • Aider à rédiger des dispositions testamentaires solides
  • Structurer juridiquement une transmission équilibrée
  • Protéger les intérêts du conjoint survivant ou des enfants
  • Contester un abus de droit ou une atteinte à la réserve
  • Défendre un legs, une assurance-vie ou une donation face à une action en réduction

Il intervient aussi bien en phase amiable, avec le notaire, que dans le cadre d’un contentieux judiciaire devant le tribunal judiciaire.

🛡️ Une transmission bien pensée pour préserver les équilibres

La succession dans les familles recomposées nécessite une organisation claire, prévoyante et juridiquement solide. Les conflits sont fréquents, mais souvent évitables grâce à une bonne anticipation.

Un avocat spécialisé est le seul acteur capable de croiser les enjeux patrimoniaux, affectifs, fiscaux et successoraux dans une approche à la fois rigoureuse et humaine.

Omega Avocats Succession

Omega Avocats, Cabinet d'avocats spécialisé en succession à Paris, Lyon, Nice & Rennes