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12Une opération comptable obligatoire

Dans toute succession, le notaire doit établir la « masse de calcul » servant à déterminer la réserve héréditaire et la quotité disponible. Pour cela, il ne suffit pas de prendre en compte les biens existants au jour du décès. Il faut aussi intégrer les donations antérieures, selon un mécanisme appelé réunion fictive.

Prévue par l’article 922 du Code civil, cette opération consiste à « réunir fictivement » à la masse successorale l’ensemble des biens donnés par le défunt, peu importe leur date ou leur forme. Il s’agit d’une pure opération comptable : les biens donnés ne reviennent pas dans la succession, mais leur valeur est ajoutée au calcul.

« Pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible, il est fait une réunion fictive à la masse des biens existants des biens donnés par le défunt. »
— article 922 du Code civil

Ce mécanisme est essentiel pour garantir le respect des droits des héritiers réservataires. Pourtant, il est souvent ignoré ou confondu avec le rapport des donations. L’accompagnement d’un avocat spécialisé en droit des successions permet d’éviter ces erreurs fréquentes, aux conséquences parfois lourdes.

Quelle différence avec le rapport des donations ? ⚠️

La réunion fictive ne doit pas être confondue avec le rapport des donations, même si les deux impliquent une prise en compte des donations antérieures.

  • Le rapport sert à garantir l’égalité entre héritiers.
  • La réunion fictive vise à reconstituer la valeur du patrimoine global pour vérifier le respect de la réserve héréditaire.

Une donation faite à un tiers (ami, association, etc.) ne sera pas rapportée… mais sera tout de même réunie fictivement à la masse pour contrôler qu’elle n’empiète pas sur la réserve des héritiers.

C’est pourquoi même les donations faites à des personnes étrangères à la succession doivent être prises en compte dans le cadre de la réunion fictive. Ce point, souvent négligé, peut entraîner des actions en réduction si la réserve a été entamée à tort.

Quels biens sont concernés ?

La réunion fictive concerne tous les biens donnés de manière directe ou indirecte. Il peut s’agir :

  • de donations notariées,
  • de dons manuels,
  • de donations déguisées (vente fictive, prix dérisoire…),
  • de donations indirectes (prise en charge de dettes, remises de loyers…).

L’article 922 du Code civil précise que la réunion porte sur la valeur des biens au jour du décès, selon leur état au moment de la donation. Cela signifie que l’on actualise la valeur d’un bien donné plusieurs années plus tôt, en tenant compte de l’inflation, de l’évolution du marché, ou de la vétusté.

Ce travail d’évaluation est hautement technique. Il nécessite l’avis d’un expert et l’intervention d’un avocat pour déterminer si une libéralité doit être réunie et à quelle valeur.

Exemple concret de réunion fictive

Une personne décède en laissant un patrimoine de 500 000 €. Elle avait donné, 10 ans plus tôt, un appartement à son fils, estimé à l’époque à 150 000 €. Aujourd’hui, ce bien vaut 250 000 €.

  • Patrimoine actuel : 500 000 €
  • Donation actualisée : +250 000 €
  • Masse de calcul = 750 000 €

Si le défunt avait deux enfants, la réserve est de 500 000 € (⅔), soit 250 000 € par enfant. La donation faite au fils entre donc dans le calcul pour apprécier si cette réserve est respectée.

Sans cette réunion fictive, le notaire aurait pu croire que la réserve était respectée. Or, elle pourrait avoir été entamée. Un cabinet d’avocats en droit des successions saura détecter ces situations et engager une action en réduction si nécessaire.

Que faire en cas de libéralités excessives ?

Si la réunion fictive révèle que les donations dépassent la quotité disponible, les héritiers réservataires peuvent exercer l’action en réduction, prévue à l’article 921 du Code civil. L’objectif est de réduire la part du gratifié, dans la limite de ce qui empiète sur la réserve.

Cette action doit être intentée dans un délai de 5 ans à compter de l’ouverture de la succession ou 2 ans à compter de la connaissance de l’atteinte à la réserve.

⚖️ L’avocat intervient ici pour :

  • déterminer si la réunion est conforme,
  • calculer la masse de calcul exacte,
  • engager l’action en réduction dans les délais,
  • gérer la négociation avec les bénéficiaires de donations excessives.

La réunion fictive et l’assurance-vie

L’assurance-vie est en principe hors succession. Toutefois, la jurisprudence prévoit que si les primes sont manifestement exagérées, les capitaux peuvent être réintégrés à la succession via la réunion fictive, puis soumis à l’action en réduction.

Il s’agit ici d’un terrain contentieux fréquent. Des enfants exclus d’un contrat d’assurance-vie invoquent la réunion fictive pour obtenir réparation. Les tribunaux apprécient au cas par cas si la prime versée était proportionnée aux revenus du souscripteur.

Cette question sensible nécessite une analyse rigoureuse, tant sur le plan patrimonial que juridique. Un cabinet d’avocats spécialisés en droit des successions est indispensable pour traiter ces situations.

Cas d’exclusion de la réunion fictive ❌

Certaines donations ne sont pas soumises à la réunion fictive :

  • Les dons d’usage (cadeaux à l’occasion de fêtes, mariages, etc.)
  • Les libéralités soumises à une clause expresse d’exclusion
  • Les assurances-vie dont les primes ne sont pas manifestement excessives
  • Les dispositions soumises à des législations dérogatoires (libéralités entre époux dans certains cas)

⚠️ Attention : le fait d’exclure une donation de la réunion fictive n’empêche pas automatiquement une action en réduction, si la réserve est entamée. Ce point est souvent mal interprété par les praticiens non spécialistes.

Une étape incontournable du calcul successoral

La réunion fictive est souvent perçue comme une formalité comptable. En réalité, elle conditionne la validité de l’ensemble du partage : si la masse est mal évaluée, les parts des héritiers seront faussées, et les donations risquent d’être contestées.

La réunion fictive permet de garantir une succession conforme à la loi, équilibrée, et respectueuse des volontés du défunt, dans les limites de l’ordre public successoral.

Sa mise en œuvre nécessite une connaissance approfondie des règles civiles, fiscales et jurisprudentielles. Le recours à un avocat en droit des successions est ici une sécurité incontournable.

Omega Avocats Succession

Omega Avocats, Cabinet d'avocats spécialisé en succession à Paris, Lyon, Nice & Rennes