Qu’est ce que la réserve héréditaire ?
La répartition des biens d’un héritage relève de règles strictes. La Loi organise la dévolution successorale. L’article 912 du code civil vient ainsi définir la notion de réserve héréditaire :
« La réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s’ils sont appelés à la succession et s’ils l’acceptent. La quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n’est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités. »
Il appert de cet article que les héritiers réservataires (enfants ou le conjoint survivant lorsque le défunt n’a pas eu d’enfant) ne peuvent être exhérédés (déshérités) totalement. Une part de la succession leur est automatiquement réservée, sauf renonciation par leur soin.
Seule la quotité disponible (part d’héritage restant une fois la réserve héréditaire distribuée) peut être librement attribuée par le biais d’une donation ou d’un testament (libéralités).
La loi vient encadrer le calcul de la réserve héréditaire et de la quotité disponible (1) ainsi que les recours, en cas d’atteinte à la réserve héréditaire (2).
Comment calculer la réserve héréditaire et la quotité disponible ?
L’article 913 du code civil pose la règle suivante :
« Les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant, s’il ne laisse à son décès qu’un enfant ; le tiers, s’il laisse deux enfants ; le quart, s’il en laisse trois ou un plus grand nombre. (…)»
Le quantum de la réserve héréditaire et de la quotité disponible va dépendre du nombre d’enfants du de cujus et de l’existence ou non d’un conjoint.
Nombre d’enfants / existence conjoint |
Réserve héréditaire |
Quotité disponible |
Pas d’enfant et pas de conjoint |
0 |
Tout |
Pas d’enfant mais un conjoint |
1/4 |
3/4 |
1 enfant |
1/2 |
1/2 |
2 enfants |
2/3 |
1/3 |
3 enfants ou plus |
3/4 |
1/4 |
Exemple : Succession de Monsieur X à hauteur de 500.000 euros :
- 1er cas : Monsieur X était marié mais sans enfant (ni du mariage ni d’un premier lit). Madame X hérite donc d’1/4 de 500.000 euros, soit 125.000 euros. La quotité disponible est de 375.000 euros.
- 2ème cas : Monsieur X n’était pas marié mais avait un enfant. Ce dernier hérite donc de la moitié de la succession, soit 250.000 euros. La quotité disponible est de 250.000 euros.
- 3ème cas : Monsieur X n’était pas marié mais avait 2 enfants. Ces derniers héritent donc des 2/3 de la succession, soit 333.333,333 euros. La quotité disponible est de 166.666,667 euros.
- 4ème cas : Monsieur X n’était pas marié mais avait 3 enfants ou plus de trois enfants. Ces derniers héritent donc des 3/4 de la succession, soit 375.000 euros. La quotité disponible est de 125.000 euros.
Quel recours en cas d’atteinte à la réserve héréditaire ?
Il peut être envisagé le cas du de cujus qui, de son vivant, a procédé à des libéralités (donations, testaments) dont l’attribution, sans même en avoir eu l’intention, porte atteinte à la réserve héréditaire.
Dans ce cas, les héritiers réservataires lésés ont un recours appelé l’action en réduction. L’article 920 du code civil précise que : « les libéralités, directes ou indirectes, qui portent atteinte à la réserve d’un ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l’ouverture de la succession ».
Pour savoir si une atteinte à la réserve a été commise, le patrimoine du de cujus est reconstitué, c’est-à-dire que toutes les libéralités sont réintégrées (donations, legs antérieurs au décès) à la succession pour permettre le calcul exact du patrimoine (calcul de la masse) et ainsi calculer la réserve héréditaire et la quotité disponible. L’action en réduction va permettre de réduire les libéralités attribuées de manière excessive et ainsi restaurer la réserve héréditaire.
A noter que pour pouvoir agir en réduction, il faut être héritier réservataire et avoir accepté la succession (article 921 du code civil).
Le droit d’agir en réduction s’ouvre à compter de l’ouverture de la succession et pour une durée de cinq ans ou de deux ans à compter de la connaissance de l’atteinte par l’héritier, dans la limite de dix ans à compter du décès.
La réduction des libéralités ayant empiété sur la réserve héréditaire obéit à des règles strictes.
L’article 923 du code civil prévoit que les legs sont les premiers à être réduits. Si cela ne suffit pas, c’est les donations entre vifs qui seront imputées, en commençant par la plus ancienne jusqu’à la plus récente. La règle de l’ordre des réductions est d’ordre public (il n’est pas possible de déroger à cette règle par une convention contraire).
A noter qu’il est possible de renoncer à cette action soit par anticipation, soit au moment de l’ouverture de la succession et sous certaines conditions.
Enfin, la notion de réserve héréditaire, telle que prévue par la législation française, ne s’applique que pour les français résidents habituellement en France au moment du décès. Dans le cas où un français résiderait habituellement dans un pays où il est possible de déshériter ses enfants, c’est cette loi qui s’appliquerait, sauf dispositions contraires du de cujus.
C’est toute la question et le débat qu’il y a régulièrement sur les successions internationales et la loi applicable qui emporte des conséquences bien différentes selon le pays dans lequel sera réglée la succession, y compris en présence de testament international. Récemment, la succession de Johnny Hallyday en est un exemple parlant.
Il est donc important de faire attention à la manière dont on organise sa succession que ce soit par biais testamentaire, mais également en évaluant les conséquences qu’emportent les donations passées ou les legs à venir. Les conseils de l’avocat en Droit des successions sont alors déterminants. Car, même si les personnes peuvent organiser pour partie librement leur succession, ils ne peuvent pas tout décider, y compris de déshériter un enfant par exemple.
Toute atteinte à la réserve peut entrainer des conflits graves et des procédures judiciaires lourdes. La sécurité juridique de la transmission du patrimoine est donc primordiale pour faire en sorte que les volontés du de cujus soient respectées, au plus proche de ce que la loi permet. A défaut, il appartient à l’héritier réservataire de défendre ses droits !
N’hésitez pas à faire appel à un avocat à Paris ou à un avocat à Lyon de notre Cabinet pour vous assister.