Insanité d’esprit, altération des facultés mentales et validité des dispositions successorales prises
L’article 901 du Code civil dispose que pour faire une libéralité, c’est-à-dire une donation entre vifs ou un testament, il faut être sain d’esprit, capable de manifester une volonté lucide. Cette exigence est également reprise par l’article 414-1 du Code civil. Le consentement du disposant ne doit donc pas être annihilé par une affection mentale obnubilant son intelligence ou sa faculté de discernement.
Insanité d’esprit : notion
L’insanité d’esprit est une notion de fait non définie par la loi. Il appartient donc aux juges du fond, en vertu de leur pouvoir souverain, de décider si, au moment de la libéralité et en fonction des circonstances, son auteur était sain d’esprit.
Il convient tout d’abord de préciser que la notion d' »insanité d’esprit » ne doit pas être confondue avec celle d' »altération des facultés mentales« , cause d’ouverture d’une mesure de protection (sauvegarde de justice, tutelle, curatelle).
Ces deux notions sont parfaitement autonomes et, ainsi, les juges apprécient l’insanité d’esprit sans être liés par l’existence ou non d’une mesure de protection, cette dernière pouvant néanmoins constituer un indice de l’insanité d’esprit. Par ailleurs, l’insanité d’esprit, assimilée à l’absence de consentement, doit être distinguée des vices du consentement qui affectent ce dernier mais ne l’annihile pas.
Ensuite, eu égard aux diverses origines que peut avoir un trouble mental, il est difficile de catégoriser l’état d’insanité d’esprit. Sont notamment invoquées des causes psychiques ou mentales (démence, passion, débilité), des causes physiques (âge, maladie, infirmité) ou des causes extérieures à la personne prétendue atteinte d’un trouble mental (ivresse, toxicomanie).
Insanité d’esprit : preuve
L’objectif est de prouver qu’au moment de l’acte le disposant était affecté d’un trouble mental suffisamment grave pour le priver de tout discernement et altérer ainsi ses facultés intellectuelles. La charge de cette preuve incombe à celui qui conteste la validité d’une libéralité, le disposant étant présumé sain d’esprit. Néanmoins, cette preuve étant difficile à rapporter, les juges admettent que la seule preuve de l’absence de lucidité durant la période immédiatement antérieure ou postérieure à la rédaction de l’acte suffit à conclure à l’insanité au moment exact de l’acte.
Si cette preuve est rapportée, il y a alors présomption d’insanité d’esprit et le défendeur devra démontrer que l’acte a été établi au cours d’un intervalle de lucidité du disposant.
La preuve de l’insanité d’esprit est libre et peut donc être administrée par tous moyens, notamment par des documents ou attestations, des témoignages ou les résultats d’une expertise judiciaire.
Insanité d’esprit : sanction
La libéralité consentie par un disposant non sain d’esprit est entachée d’une nullité relative. Du vivant du disposant, l’action en nullité sur le fondement de l’article 414-2 du Code civil n’est ouverte qu’à ce dernier. Pour qu’il puisse exercer cette action, il faut donc supposer que le trouble de ses facultés mentales a été passager ou qu’il a retrouvé sa lucidité.
Cette action ne se conçoit que pour les dispositions entre vifs, le testament étant révocable et ne prenant effet qu’à la mort de son auteur. Après la mort du disposant, les dispositions entre vifs et le testament peuvent être contestés par les héritiers légaux ou les légataires universels.
S’agissant des donations, le délai de prescription est de cinq ans à compter de la donation, sauf report au jour de la cessation des troubles mentaux du disposant s’il était dans l’impossibilité d’agir pour insanité d’esprit. Concernant la contestation d’un testament ou d’un legs, le délai de prescription est également de cinq ans mais à compter du décès du disposant.
Enfin, l’acte annulable peut être confirmé par le disposant ou par les héritiers, dès lors qu’ils le font en connaissance de cause. Et, si la confirmation par l’une des parties rend l’acte valable à son égard, les autres conservent le droit d’agir en nullité. La confirmation peut être expresse ou tacite, c’est-à-dire résulter de l’exécution volontaire du testament par les héritiers qui auraient pu invoquer la nullité.
La question de l’insanité d’esprit et de ses conséquences en droit des successions est donc à la fois complexe et primordiale. L’intervention de l’avocat de succession est nécessaire pour vérifier l’opportunité et l’efficacité de toute action à cet égard.
Dans tous les cas, si vous pensez que vos droits ont été lésés par des actes critiquables dans le cadre d’une succession conflictuelle, n’hésitez pas à faire appel à un avocat de notre Cabinet à Paris ou à Lyon !