La donation déguisée en droit des successions est une opération par laquelle une personne transmet un bien ou une somme d’argent à un tiers, tout en donnant à cette transmission une apparence différente. Il peut s’agir d’un acte de vente, d’un prêt, d’une reconnaissance de dette, ou encore d’un échange, alors que l’intention réelle est purement libérale : faire un don sans en respecter les règles.
📌 L’article 893 du Code civil définit la donation entre vifs comme « un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte ». La donation déguisée cherche précisément à dissimuler cette intention libérale, pour diverses raisons : éviter de payer les droits de donation, privilégier un héritier au détriment d’un autre, ou contourner la loi successorale.
🎯 Dans de nombreuses affaires, c’est lors du décès du donateur que ces actes sont découverts, car ils sont mis en lumière par les héritiers dans le cadre du règlement de la succession.
💡 Exemple concret : un parent prétend vendre un appartement à l’un de ses enfants pour 50 000 €, alors que le bien en vaut 300 000 € et que le paiement n’a jamais eu lieu. Il s’agit alors d’une vente fictive déguisant une donation.
⚖️ Les conséquences juridiques d’une donation déguisée
La donation déguisée peut avoir des conséquences lourdes, tant sur le plan civil que fiscal.
👥 Sur le plan civil, elle peut désavantager les autres héritiers. Le droit français protège certains héritiers — appelés héritiers réservataires — en leur assurant une part minimale dans la succession : la réserve héréditaire.
📖 Article 912 du Code civil : « La réserve héréditaire est cette partie de la succession dont la loi assure la dévolution libre à certains héritiers, appelés héritiers réservataires. » Toute libéralité (donation, testament, etc.) qui excède la part disponible peut être contestée.
🧮 Par exemple, si un parent a deux enfants, ceux-ci ont droit chacun à un tiers du patrimoine en réserve. S’il fait une donation déguisée représentant plus de ce tiers à l’un d’eux, l’autre peut demander une réduction de la donation.
💼 Sur le plan fiscal, le Code général des impôts prévoit que toute donation doit être déclarée pour être soumise aux droits de mutation à titre gratuit. Si une donation est dissimulée :
- L’administration peut la requalifier
- Elle applique les droits de donation selon le lien entre donateur et donataire
- Elle peut ajouter des pénalités de 40 à 80 % pour dissimulation ou manœuvres frauduleuses
📌 Le risque est double : redressement fiscal + litige familial.
🔍 Comment reconnaître et prouver une donation déguisée ?
Dans la pratique, prouver l’existence d’une donation déguisée n’est pas simple. Elle repose rarement sur des documents explicites, mais plutôt sur des indices convergents.
🧾 Quelques signes fréquents :
- Aucun paiement réel n’a été effectué pour un acte de vente
- Le bien reste utilisé par le « vendeur »
- Le prix mentionné dans l’acte est bien inférieur à la valeur réelle
- Une reconnaissance de dette n’a jamais été suivie d’un remboursement
- Aucun mouvement financier ne confirme l’acte
📚 Selon l’article 1348 du Code civil, la preuve peut être rapportée par tous moyens en cas de commencement de preuve par écrit : cela inclut les relevés bancaires, les courriels, les témoignages, les expertises comptables.
🎯 Il est souvent nécessaire de reconstituer l’historique patrimonial du défunt, ce qui suppose l’accès à ses comptes, ses relevés notariés, ou ses déclarations fiscales.
🧠 L’avocat spécialisé pourra également demander des mesures d’instruction (expertise, enquête successorale, production de pièces…) pour étayer la thèse de la dissimulation.
🧾 Quels sont les recours juridiques contre une donation déguisée ?
👨⚖️ En présence d’éléments probants, l’héritier lésé peut engager :
- Une action en réduction (articles 920 à 930 du Code civil)
- Elle permet de faire réintégrer la donation dans la masse successorale fictive
- Elle vise à rétablir l’équilibre entre les héritiers
- Une action en nullité
- Fondée sur un vice du consentement (dol, erreur, violence) selon l’article 1130 du Code civil
- Elle peut être utilisée si l’acte dissimulé est entaché d’une fraude manifeste
- Un signalement fiscal
- L’administration fiscale peut être saisie via une déclaration ou dans le cadre d’une procédure de partage
- Elle pourra initier un redressement et appliquer les pénalités
📅 Ces actions sont encadrées par des délais de prescription, souvent de 5 ans à compter de la découverte de l’acte litigieux.
🛡️ L’avocat détermine la stratégie la plus adaptée, selon que l’on vise une négociation amiable, une action devant le notaire, ou un contentieux devant le tribunal judiciaire.
👩⚖️ Le rôle stratégique de l’avocat dans les litiges successoraux
L’avocat spécialisé en successions est bien plus qu’un simple technicien : il est le défenseur des équilibres familiaux, l’analyste des flux patrimoniaux, et le stratège procédural.
🔍 Son intervention couvre :
- La reconstitution de la masse successorale
- L’analyse juridique des actes notariés
- L’identification de libéralités déguisées
- La recherche de preuves matérielles ou bancaires
✍️ Il rédige :
- Des mises en demeure
- Des assignations
- Des observations devant le notaire ou le juge
🔧 En matière préventive, il joue aussi un rôle décisif :
- Optimiser les donations sans risquer de contentieux
- Protéger les droits des héritiers tout en respectant la volonté du donateur
- Assurer une transmission conforme à la loi et à la fiscalité
💡 Son accompagnement est essentiel à la fois pour protéger les intérêts d’un héritier, contester une donation litigieuse, ou consolider une planification successorale